"Le plan d'aide ne va rien résoudre"

Il a travaillé à la Banque mondiale avant d'enseigner les finances internationales à la Skema Business school (ex-Ceram) de Sophia Antipolis. Michel-Henry Bouchet, qui suit de près la crise grecque, nous livre son analyse.
La situation est-elle très préoccupante ?
On a perdu beaucoup de temps. L'Europe a tergiversé, alors qu'elle connaissait le problème, même si sa gravité a été récemment réévaluée. La Grèce a tardé à livrer des chiffres crédibles. Aujourd'hui, on est en train d'accoucher aux forceps d'un plan d'aide de 45 milliards d'euros qui ne résoudra rien.
Pourquoi ?
Ce plan permettra de faire face aux échéances à court terme. Il apporte une réponse ponctuelle. Les marchés financiers l'ont bien compris, qui ne sont pas prêts à financer le trou noir de la Grèce.
Alors que faire ?
Il faut donner à ce pays suffisamment de temps et d'argent, lui ouvrir une ligne de crédit beaucoup plus importante, avec si possible la création par l'Europe d'un fonds de garantie.
Athènes devrait-elle revenir à sa monnaie nationale, la drachme ?
C'est une fausse bonne idée. La Grèce aurait plus à perdre qu'à gagner en sortant de la zone euro qui demeure un bouclier.Du moins si la solidarité européenne joue. Certes, elle pourrait dévaluer, mais elle paierait plus en coût d'importation qu'elle ne stimulerait ses exportations.
Y a-t-il un risque de contagion vers le Portugal et l'Espagne ?
Oui. Car ces pays sont considérés avec la Grèce comme les maillons faibles de l'Europe. Avec les trois moteurs de croissance en panne : la consommation, l'investissement et l'exportation.
Et les agences de notation ?
Depuis la crise asiatique de 1998, elles se sont décrédibilisées à plusieurs reprises. Pour regagner la confiance, elles ont tendance à surréagir, à dégrader, de manière peut-être excessive, la note des pays.
Peuvent-elles abaisser celle de la France ?
À ce jour non. Mais pour les prochaines années, il n'y aura plus de tabou du triple A (la note maximale actuellement décernée à la France et à 5 autres pays).

PROPOS RECUEILLIS PAR J.P. FRONZES