Pouvoir d'achat: une approche "gagnant-gagnant" de la baisse des charges salariales - LES ECHOS

La question du pouvoir d'achat en France refait son apparition à l'aube d'une nouvelle campagne présidentielle. Le sujet, central lors des élections de 2007, est donc toujours d'actualité dans notre pays.

 

L'économie française doit en fait résoudre la quadrature du cercle : améliorer la compétitivité des entreprises pour gagner des parts de marché, encourager des investissements de productivité, éviter les délocalisations et inciter à l'embauche; enfin, augmenter le pouvoir d'achat des ménages pour soutenir la consommation. Comment faire, sachant que les finances publiques sont exsangues et que les agences de notation sont « en embuscade » ?

Jouer sur le taux de change de l'Euro pour accroitre la compétitivité export nationale (ce que font à outrance les USA et la Chine) est à la fois impossible (orthodoxie monétaire européenne, Banque Centrale Européenne indépendante et focalisée sur la maitrise de l'inflation) et s'avèrerait au final peu efficace car nos principaux partenaires commerciaux utilisent également la monnaie unique. La France importe et exporte au sein d’une même zone monétaire et le déficit commercial n’est donc pas « la faute à l’Euro ». De plus, rien n'affirme qu'une telle démarche profiterait aux salariés.

Une solution peut résider dans un ensemble de mesures complémentaires, toutes focalisées autour du seul coût du travail, trop élevé en France en comparaison de celui de nos partenaires, c’est-à-dire de nos concurrents. Comme il est exclu de baisser la part des salaires dans la valeur ajoutée, déjà trop faible, la seule variable d'ajustement réside dans les charges qui pèsent dessus. Et, par chance, en quelque sorte, elles sont très élevées en France.

Si l'État diminue les charges de 1€, 60 centimes doivent revenir à l'entreprise et 40 centimes au salarié

Une approche gagnant-gagnant de la baisse des charges. Une stratégie équitable et efficace consisterait à réduire progressivement les charges pesant sur les salaires, et en redistribuer un peu plus de la moitié (60%) aux entreprises pour stimuler leur compétitivité et un peu moins de la moitié (40%) aux salariés pour augmenter leur salaire. Concrètement, si l'État diminue les charges de 1€, 60 centimes doivent revenir à l'entreprise et 40 centimes au salarié. La hausse de salaire imposée étant plus que compensée par la baisse des charges, cette répartition n’obère pas la capacité d’investissement ni d’embauche des entreprises, et elle préserve leur compétitivité. Du côté du salarié, les hausses de pouvoir d’achat stimulent la consommation, les recettes de l’Etat et les perspectives d’activités des entreprises.

Pour être efficace, ce processus doit être étalé dans le temps et appliqué en étapes pour que la baisse des recettes de l’Etat soit assez progressive pour être compensée par le dynamisme économique attendu. Ensuite, pour qu’un tel processus de cercle vertueux soit efficace et favorise la consommation, il faut que les ménages qui en bénéficieront aient un horizon temporel assez long pour que la confiance perdure dans un pouvoir d’achat accru : « gagner plus pour thésauriser moins » !

Le système de réduction des charges doit être dynamique, c'est-à-dire qu'au-delà des jalons prévus pour les baisses, si la situation économique du pays s'avère meilleure que prévue, le processus pourra être accéléré. Mais en aucun cas réduit.

Quid du financement? Pour mettre en place une telle politique, et compenser les manques à gagner qui en résultent, l'État doit trouver de nouvelles formes de revenus. Deux pistes semblent à la fois prometteuses et non contradictoires avec les mesures précédentes.

Augmenter la TVA d’un point peut être une solution pour amorcer la pompe de la baisse des charges en donnant de l’oxygène aux finances publiques

Tout d'abord, augmenter la TVA d’un point peut être une solution pour amorcer la pompe de la baisse des charges en donnant de l’oxygène aux finances publiques. Une TVA de 21,6% resterait dans la moyenne en Europe et inférieure à celle des pays scandinaves, de l’Europe centrale, ou même de la Belgique. Mais cet impôt non redistributif pèse davantage sur les revenus modestes, d’où la nécessité de maintenir un taux réduit sur les produits de première nécessité. Le différentiel de taux avec les pays qui font du dumping fiscal (Singapour, Suisse, Japon, Chypre, Australie, Luxembourg…) devrait être prélevé par un système « d’écluses ».

Ensuite, libérer le temps de travail hebdomadaire de son carcan réglementaire est un moyen d'accroitre l'activité économique tout en en partageant les bénéfices. L'approche idéologique des 35h consistait à voir le travail comme une masse fixe à répartir. Cette analyse malthusienne, franco-française, ne doit pas son absurdité au seul fait qu’elle était à contre-courant de toutes les pratiques dans le monde développé ou en développement. Elle s’est avérée coûteuse et contre-productive (stagnation des salaires, pas d'embauches supplémentaires, charges budgétaires des emplois « aidés »…). Une baisse des charges salariales devrait être plus efficace pour stimuler l’emploi et la consommation tout en créant des recettes budgétaires.

Il s’agit d'enclencher un cercle vertueux qui, à terme, doit permettre de relancer une croissance créatrice d’emplois ! La France pourrait innover, pour une fois à juste titre !

Michel-Henry Bouchet et Cedric Laguerre