LA GLOBALISATION, UNE CENTRIFUGEUSE POUR L’EUROPE?

LA GLOBALISATION, UNE CENTRIFUGEUSE POUR L’EUROPE?Nul doute: nous vivons dans une économie globalisée. Mais toute lacomplexité repose sur la compréhension des bouleversements querencontre actuellement notre économie mondiale et en particulierl’Europe. Aux modèles économiques classiques se substituent denouvelles approches qui mettent le capital humain au centre de la créationde valeur: c’est l’émergence de l’économie de la connaissance…

SKEMA Business School a conçuson modèle pédagogique innovantautour de cette thématique.Ainsi, les étudiants associentManagement avec intelligenceéconomique, gestion des risques, développementdurable et innovation dans lecadre de réseaux animés par des équipesvirtuelles. Le professeur Michel-HenryBouchet y enseigne la finance « durableet responsable » où les valeurs ne sontpas seulement mobilières ! Dans ses propos,pas de catastrophisme, bien aucontraire: la crise que nous traversons estsans doute une opportunité décisivepour transformer, innover et mobiliser.Nul ne peut aujourd’hui écarter le risqued’une marginalisation de l’Europe, et aupire d’un démantèlement de l’Union économiqueet monétaire lié aux crises desolvabilité des États. Les « marchés » apatrideset sans horizon social ni temporelsont accusés de précipiter cette crise.Plusieurs sondages montrent que plusdes ¾ de nos compatriotes considèrent aujourd’hui la Globalisation comme unemenace pour la France *. Des sondagessimilaires donnent une position opposéedans les pays émergents, en Afrique ou enAsie. L’économie de marché et l’entrepreneuriaty sont largement considéréscomme des vecteurs de croissance. Unpessimisme passager ou une  déprimeconjoncturelle ne sont pas des explicationspertinentes. C’est l’état d’espritd’une fin d’époque. Le référendum sur letraité constitutionnel européen seraitrejeté aujourd’hui aussi bien qu’en 2005.L’Europe, en général, et la France, en particulier,traversent une crise structurellequi va modifier profondément l’environnementgéopolitique et le mode de croissancepour le siècle à venir. Paul Valéryrésumait bien ce défi : « Tout change,même l’avenir n’est plus ce qu’il était. »

Effet boomerang

En effet, un spectre hante l’Europe, lespectre d’une dérive socio-économiqueet géopolitique. Le décentrement del’Europe s’était déjà manifesté lors duprintemps arabe où le « modèle européen» n’avait servi d’aucun repère auxmouvements populaires de libérationcontre les dictatures au Maghreb et auMoyen-Orient. La crise économique etfinancière a mis en lumière les déficiencesinstitutionnelles et structurellesde l’Europe. Les dix-sept pays de la zoneEuro ne pèsent plus que 14 % du PIB global(pas plus que la Chine) et leur partde marché commercial décline tandisque celle de la France est revenue auniveau de l’après-guerre. Le consortiumeuropéen ne montre aucune solidaritéface à la crise alors que ses marges demanoeuvre sont de plus en plus réduitespar un taux de chômage supérieur à10 %, une croissance anémique, des déficitsbudgétaires élevés, et des ratios d’endettementsupérieurs au PIB. En fait, l’activismemonétaire tardif de la BCE nepeut compenser l’absence de concertationpolitique pour protéger la survie dela monnaie unique et relancer la croissance.Et les « marchés » si décriés ne s’ytrompent pas, sachant que les Banquescentrales de l’OCDE tirent leurs dernièrescartouches dans un contexte trèsrisqué de trappe à liquidité : on apprendà nos étudiants que si on peut tirer avecune ficelle, on ne peut pousser avec une ficelle… dans le cas de taux d’intérêtproches de zéro.L’Europe paie aujourd’hui le prix fortd’une double émancipation, d’abord del’économique par rapport au politique,fruit de la libéralisation des années 1960-1970, et surtout du financier par rapport àl’économique, fruit de la dérégulation desannées 1980-1990. Les gouvernementsn’ont pas saisi l’opportunité historiquelors de la crise de 2007-2008 de reprendrela main pour « subordonner » la finance àla croissance économique. Dans cecontexte de marges très réduites des États,la crise européenne n’est pas une crise deplus, parmi toutes celles qui l’ont précédéedepuis la moitié du XIXe siècle. Deuxéléments majeurs la distinguent : les marchésde capitaux sont aujourd’hui globaliséset les investisseurs peuvent déplacerleurs capitaux vers des pays plus solvables,en particulier vers les marchés émergents; et les politiques économiques setrouvent subordonnées aux agences denotation qui scrutent les comptes nationauxtels des bilans d’entreprises.

La clé : l’adaptation

La solution à la crise est au-delà des outilsclassiques de politique économique.Ceux-ci ne sont plus adaptés à une économieglobalisée qui fonctionne de plusen plus comme une chambre d’écho, oùla contagion augmente et propage lavolatilité. Seule une coordination plusétroite des États, et au premier chef enEurope, avec un renforcement décisif dela régulation, peuvent créer un rapportde force équilibré avec les marchés. Enbref, un retour du politique est indispensablepour donner une perspectivesociale à la croissance économique, et latransformer en développement. Ce dernierélément est essentiel pour faire del’ajustement un effort d’adhésion collectif.Car le second spectre qui hantel’Europe est une « fatigue d’ajustement »qui apparaît non seulement en Grèce, auPortugal et en Espagne, mais qui commenceà poindre en France alors mêmeque le pays entame à peine le processus !En conclusion, une nouvelle fenêtre derégulation va apparaître avec une probablecrise « de second tour », quand le ralentissementplus marqué des pays émergentsen 2013 se conjuguera avec desbesoins de mobilisation de capitaux desÉtats membres de l’OCDE, des sociétésd’investissement et des banques en mal derecapitalisation. Cette hystérésis ouvriraune opportunité décisive pour stimulerune poussée du fédéralisme budgétaire,une plus forte régulation du système financier,et une meilleure coordination despolitiques structurelles visant à relancer lacompétitivité du Vieux Continent par l’innovation,les nouvelles technologies, et lecapital humain, c’est-à-dire, l’économie dela connaissance. Ce sera la seule contributionpositive de la crise à uneGlobalisation maîtrisée. Et nos étudiantsdoivent s’y préparer pour en être lesacteurs.

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