LA TRIBUNE: La perte du Triple A de la France ?

Triple A ou pas...

L’analyse de Michel-Henry Bouchet, professeur de finances à SKEMA

Business School.

Une hirondelle ne fait pas le printemps. Et une seule agence de notation ne peut confirmer la dégradation d’une économie. Si Standard & Poors a porté un coup de massue, Moody’s, elle, reste en attente, et n’a pour l’heure pas abaissé la note française. Mais pour Michel-Henry Bouchet, tout ce battage n’est qu’illusion, et il y a belle lurette que notre économie vacille : «notre triple A n’est plus justifié depuis longtemps. Un déficit budgétaire croissant depuis 1975, une compétitivité qui ne cesse de perdre du poids... L’annonce de la perte du triple A en elle-même aura donc peu d’impact à court terme sur les marchés, sauf si une deuxième dégradation venait confirmer.»

Triple A ou pas, les taux actuels sont au plus bas, et ce n’est pas une mauvaise nouvelle. «Avec un CAC 40 à 3.280 points (ce 17 janvier), soit son record depuis deux mois, on ne peut pas direque l’annonce de la dégradation ait fait son oeuvre.» Pourtant, en regardant plus loin, en prenant le temps et le recul nécessaire, l’analyse de Michel-Henry Bouchet est loin d’être optimiste : «il y aura bien sûr un impact psychologique, même si la dégradation a, de fait, levé l’incertitude. Il y aura aussi une affectation des volumesde financement sur les marchés. Par exemple les fonds de pension devront vendre les titres français, car la France n’a plus son triple A. Enfin, une entreprise publique ne peut avoir une notation supérieure à celle de l’Etat. De là pourrait découler une fiscalité plus lourde pour compenser le renchérissement des taux d’emprunt, mais aussi, côté ménages cette fois, une plus grande sélectivité des banques et un coût du crédit bancaire plus lourd.» D’où... moins de consommation.

Avec 60.000 faillites d’entreprises en 2012, l’économie était souffrante. Il faudra en attendre peut-être encore plus pour 2012, dans une conjoncture qui tend à la récession. «Selon nos propres études, la croissance française ne devrait pas dépasser cette année les 0, 2 ou 0, 3%. Nous sommes bien loin du 1% annoncé par Bercy.» Seul point positif : la baisse de l’euro par rapport au dollar et au yen pourrait stimuler un peu les exportations, «encore que nous exportions beaucoup sur l’Europe... Mais la baisse concomitante des prix des métaux va elleaussi alléger les prix.» Il faudra aussi compter sur une concurrence de plus en plus violente entre les pays et les entreprises pour se financer sur les marchés. Alors, A comme Attention...